Le télégraphe de Chappe au service de la bataille d’Isly.

Le télégraphe de Chappe au cœur d’ISLY

Isly est une commune rurale, de la préfecture d’Oujda-Angad, dans la région Est du Maroc. Elle a été rendue célèbre dans l’histoire par la bataille du 14 août 1844 et qui, depuis, porte toujours son nom. C’était une guerre-éclair emportée par la France pour avoir utilisé les technologies d’informations très modernes pour l’époque.

Et pour cause, la supériorité de la technologie des échanges d’information a été cruciale durant cette bataille d’Isly comme il l’est dans toutes les guerres. Et ces échanges, autour du théâtre des opérations, ont été portés par la télégraphie optique qui a été utilisée par les militaires et leurs commandements. D’autre part, en ayant permis des échanges d’informations entre les commandements, sur le terrain d’Isly, et les politiques, installés en France, cette télégraphie a joué un rôle vital dans la prise de décision depuis Paris.

À partir de 1842, a été créé un réseau de télégraphie de Chappe constitué de deux axes principaux, Alger-Oran et Alger-Constantine avec diverses ramifications vers Médéa, Mascara et Tlemcen. Au Maroc, la France avait installé discrètement, au Nord-Est tout au long de la frontière avec l’Algérie, ce système de télégraphie pour pouvoir, également, communiquer notamment avec Tlemcen et le réseau de télégraphie français via l’Espagne. Le journal, « L’Ouvrier », hebdomadaire Illustré de 1864 rapporte les propos de M. Gounelle, inspecteur des lignes télégraphiques, dévoilant le contenu du télégramme reçu par le télégraphe de Chappe suite à la bataille d’Isly : « Tel jour rencontré les marocains. Grande bataille. La victoire est restée aux….  Puis interruption par le brouillard. Le lendemain brouillard encore, nouveau silence du télégraphe. Le surlendemain le télégraphe a pu recouvrer la parole ».

Ainsi, l’annonce de la victoire de la France à Isly en 1844 a été réalisée par le télégraphe de Chappe à travers le réseau de la télégraphie de Chappe d’Espagne en utilisant notamment la liaison nord du Maroc avec le sud de l’Espagne. Selon le Journal des Débats du 27 aout 1844, dans une dépêche télégraphique du 17 août 1844 adressée au ministre de la marine, depuis les côtes de Tanger, le prince Joinville signala que « soixante-dix-huit hommes, dont sept officiers, ont été blessés ou tués » : il s’agit bien de dépêche télégraphique

Le télégraphe de Chappe ailleurs

D’après Renée Michele, docteur en droit et fonctionnaire, à l’époque du protectorat, à l’Office Chérifien au Maroc, cette liaison télégraphique avec le sud de l’Espagne a continué à être utilisée, clandestinement, jusqu’à 1918. L’argument de l’Espagne pour son utilisation : le texte instaurant le monopole du télégraphe ne mentionnait pas le système de télégraphie optique. Mais suite à l’intervention écrite des services du protectorat, la communication télégraphique aérienne ou optique entre Tanger et l’Espagne a cessé.

Pendant ce temps, partout en Espagne, à part les grands axes Madrid-Cadix et Madrid Valence-Andorre, le réseau télégraphique était, à l’époque, relativement peu développé en comparaison avec celui de la France. Souvent, les militaires espagnols utilisaient les tours mobiles de télégraphie de Chappe, mis en place, dès 1836, par le général espagnol Manuel de Santa Cruz pour avoir des communications rapides pendant la guerre civile espagnole dite des carlistes. (Voir ci-dessous).

Télégraphe mobile utilisé en Espagne à l’époque.

À cette époque, de Tanger à Paris, n’existait que le télégraphe aérien de Chappe, dont l’utilisation avait réduit les délais de communication, dans les deux sens, Oran-Tanger-Paris, ce qui a permis au Prince Joinville et à Bugeaud de coordonner les attaques de Tanger et d’Essaouira.

Portrait en haut du Roi Philipe, au pouvoir au moment de la bataille d’Isly en 1844 (musée de Compiègne)

On mentionne qu’en 1844 déjà, le prince Joinville avait envoyé au roi Philippe, une dépêche télégraphique depuis Tanger à propos de Mogador, actuellement : Essaouira, alors que pendant de temps, c’est-à-dire en 1844 il n’y avait aucun réseau de télégraphie filaire et que la première expérience test du télégraphe électrique a été effectué entre Paris et Rouen en 1845.

Justement, en 1844, il n’y avait aucun système des télécommunications, et entre Fès lieu de pouvoir à l’époque et Oujda un message transporté par un cavalier nécessitait minimum six jours alors qu’avec le télégraphe de Chappe on arrivait à transmettre un message en quelques heures entre Tlemcen en Algérie et Paris en France quand les conditions climatiques le permettent et uniquement pendant la journée car la nuit ce système ne fonctionnait pas.

Portrait du maréchal Thomas Bugeaud ayant commandé la bataille d’Isly coté France

Enfin notons pour mémoire que la nouvelle du débarquement à Sidi-Fredj, anciennement Sidi-Ferruch localité située à 30 kilomètres à l’ouest de Alger, le 14 juin 1830 parvient à Toulon en France le 18 juin au matin. En effet, étant donné son importance, elle fait immédiatement l’objet d’une dépêche à travers le télégraphe de Chappe qui arrive à Paris depuis Toulon vers 19 heures le jour même. L’information est annoncée à Paris à l’Opéra le lendemain matin le 19 juin 1830. La nouvelle a donc mis près de quatre jours pour parcourir 750 kilomètres entre Alger et Toulon par la mer, mais seulement douze heures pour couvrir 700 kilomètres entre Toulon et Paris.

Par Ahmed Khaouja expert de l’UIT.

Références :

• Histoire et formation du réseau, l’Afrique du Nord :

 http://www.telegraphe-chappe.com/chappe/AFN.html

• « L’Ouvrier » volume 3 page 367. Journal hebdomadaire Illustré de 1864.

• Le Journal des Débats du 27 août 1844.

• Article de Khaouja Ahmed dans Lte magazine : https://ftth.ma/les-telecommunications-du-telegraphe-de-chappe-a-lere-numerique/

• Article de Khaouja Ahmed dans Lte magazine : https://ftth.ma/la-premiere-antenne-telecom-de-rabat-a-ete-installee-dans-sa-medina-en-1908/