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De la sagesse populaire à la e-réputation – FTTH Magazine

De la sagesse populaire à la e-réputation

De quoi s’agit-il ?

1-Tel un coffre noir qui scelle précieusement d’ancestraux secrets et qui se laisse visiter de temps à autre, notre sagesse populaire, sous toutes les latitudes, est un véritable trésor. Toujours actuelle et sans cesse moderne et contemporaine, cette boîte mystérieuse, qu’est notre sagesse, s’ouvre à nous à chaque époque, nous dévoile une parcelle de son mystère puis se renferme, gardant le reste aux générations futures… Et c’est exactement le sens de sagesse dans « sagesse populaire » ; c’est-à-dire retenue et mesure…

2-Et si notre e-réputation, à l’époque du village planétaire, que nous jugeons originale et moderne, n’est pas aussi moderne que nous le pensions ? Et si notre e-notoriété est tout aussi vieille et archaïque que l’était le racontage de la place du marché, ou le bavardage entre le café et la boulangerie pas loin du marchand de journaux ? Et c’est exactement la signification de populaire dans « sagesse populaire » ; c’est-à-dire résonance, écho, sonorité, rumeur…

De la fréquentation d’abord.

La vieille sagesse populaire a, plus que jamais, son mot à dire dans notre modernité fraîche de ce matin, puisque, ce qu’elle disait bien, il y a quelques temps, elle le redit encore mieux aujourd’hui. Depuis quand ? Depuis bien longtemps, on n’a jamais cessé de répéter : « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es », maxime admirablement soutenue, comme une solide charpente, par trois verbes : « dire », « fréquenter » et « être ».

Tout d’abord, le verbe « dire » renvoie à la parole et donc au son et aux décibels ; autrement dit, au bruit et à l’écho : nous avons toujours été des échoïstes. L’autre verbe, « être », bien nommé ici, puisqu’il est désigné comme un verbe d’état, nous conduit directement à statistique via status, l’ancêtre du premier « état » romain qui a opéré des statistiques. État, state, status, et statistique : mêmes mots…d’ailleurs, ce même verbe être décrit exactement, qualitativement et quantitativement, l’état du sujet donc son ego : un verbe être qui décrit des êtres égoïstes : des égoïstes depuis toujours devenus tout récemment des échoïstes.

De la fréquence ensuite

Enfin, le plus pertinent, le plus judicieux et le plus approprié des trois verbes : « fréquenter », bien emboîté au cœur de cet adage, est la clé pour mieux comprendre l’actualité saisissante de cette sagesse. Car, au-delà de la fréquentation, le verbe « fréquenter » nous invite à repérer et à lire : « fréquence » qui met à jour cette formule.

Nous y sommes donc : « fréquence » est un mot commun à plusieurs domaines : à la médecine, à la physique… tout particulièrement aux statistiques et miraculeusement aux télécommunications. Ainsi, cette sagesse devient, par conséquent, si contemporaine comme sont devenues si révolutionnaires les télécoms.

Reprenons et passons sur les détails théoriques du traitement de signal et des transmissions, la fréquence renvoie aux téléphones fixes ou non, télévision numérique ou pas, internet et tous ses réseaux sociaux ou autres intelligences artificielles… Bref, fréquence, à travers ondes et résonnance, renvoie aux plus récentes des technologies : les télécommunications et leurs dérivés. C’est-à-dire là où, effectivement, nous nous promenons au quotidien, là où, nous ne cessons d’acheter ; là où nous passons du temps à nous divertir ; là où nous allons pour apprendre et pour tisser des liens : entre la cité réelle d’hier et le site virtuel actuel, il semblerait que nous ayons déjà fait notre choix : nous aurions délaissé la cité pour le site et nous ne serions plus des citoyens mais plutôt des sitoyens. Mieux encore, nos visites des sites de plus en plus régulières et croissantes, nos passages sur la toile de plus en plus continuels et incessants, ont fait de nous des sitoiliens !

À nouveau : « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es » confond d’une part, la réputation ou les appartenances, les affinités et les valences qui se tissent grâce au verbe « fréquenter », et d’autre part, l’identité qui se dessine par le verbe « être ». Autrement dit, à la lumière de tous les bouleversements que connaissent les technologies des télécommunications, cette sagesse intuitionnait, avec finesse et délicatesse, ce qui pourrait nous définir et nous caractériser actuellement : « l’identité numérique » ou la « e-notoriété ». Via la « fréquence », cet adage anticipait et prévoyait avec profondeur notre « e-réputation ». Et comment ?

Elle pourrait être déclinée alors, et selon les usages, comme suit :

– « Dis-moi à quelle fréquence tu achètes sur la toile, par jour, par semaine… à quelle fréquence, tu consultes par heure ou par soir, quel site et quel internet, je te dirai qui tu es ». Version statistique : de la toile à la personne.

– « Dis-moi quelles stations de radio et quelles chaînes tu regardes, je te dirai qui tu es ». Version fréquence 1 à 2 GHz ou 2 à 3 GHz : de l’écho à l’ego.

– « Dis-moi quels sites tu consultes et quels e-commerces tu négocies, je te dirai qui tu es ». Version fréquence 10.7 à 18.1 GHz ou 18.1 à 31 GHz : des sites aux sitoyens.

– « Dis-moi combien de pouces et combien de commentaires tu actives, je te dirai qui tu es ». Version réseaux sociaux : de la e-amitié à l’identité.

-Bref, « Dis-moi la nature de tes connexions ainsi que la quantité de tes navigations, et je te dirai comment te repérer, comment manipuler tes attentes et comment créer tes besoins ». Version big data : de l’exploitation des données à la manipulation individuelle.

-Enfin, « Dis-moi à quelles fins tu utilises ChatGPT, Midjourney, Jasper…, je te dirai qui tu es ». Version Intelligence Artificielle : de la quantité gagnée à la mémoire perdue.

Et tout cela en attendant le « Dis-moi qui tu fréquentes, et je te dirai qui tu es » prochain. Version avenir ou à venir : prochaine ouverture de la boîte noire… à guetter !

Des curiosités inattendues

La première originalité réside dans la double nature du mot fréquenter : la « fréquence », appartenant aux statistiques donc au comptage, par conséquent, elle permet de compter. D’autre part, le mot fréquentation renvoie également et sagement à la putation. Or, il existe une intimité insoupçonnée entre ré-puter et compter lui-même se disait com-putare. En effet, les deux verbes ont pour ancêtre « putare » qui signifiait à la fois : calculer, d’où numérique ; et penser d’où ré-putation qui est une forme de contenant des pensées des autres.

Ainsi, véritablement, fréquence est de nature double, comme le sont les personnes sur le pont de l’image : s’agit-il d’un ensemble d’individus ou bien voyons-nous des individus ensemble ? Le pont traversé, est-il en béton ou en Giga octets ?

La deuxième curiosité nous fait remarquer le génie de l’ordre dans lequel les trois verbes se tiennent la main : « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es ». Sociologiquement : de l’individu au groupe, en passant par la fréquentation, notre adage définit une vision de la société. Anthropologiquement : de l’individu à la société, en passant par la fréquentation, notre maxime définit une certaine idée de l’évolution de l’humain. Et je vais taire la troisième pour sa trivialité : le verbe « dire » étant répété deux fois, nous rappelle, avec sagacité, que notre modernité a été excessivement, exceptionnellement et exponentiellement babillarde. Pas besoin de le démontrer.

Par Khaouja Ata-Ilah

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